L’éloge du silence

Dans le monde de la dualité où nous vivons, le silence ne saurait exister sans le bruit, la parole ou le son. Dans cette même logique de dualité, le son appartient au Yin, symbolisant l’élément d’intériorisation, contrairement au bruit qui relève du Yang. Cependant, un excès de paroles peut disperser le Yang, épuisant ainsi l’énergie vitale stockée dans nos Reins. C’est ici que le silence, à travers nos pratiques de méditation, de relaxation et de Qi Gong, devient essentiel pour nous recharger. Sous cet angle, le silence agit tel un Yao, un médicament précieux, dans notre quotidien.

Il est souvent dit que la faiblesse du Yin favorise l’échappement du Yang. Apprenons donc, lorsque nous exprimons une idée issue de notre mental, de notre Shen ou de notre Cœur, à utiliser moitié moins de mots. En procédant ainsi, nous gagnons non seulement en persuasion, mais aussi en capacité à cultiver l’instant présent.

Notre existence est marquée par le symbole du Tao, où un peu de noir se mêle au blanc et vice versa. Ainsi, dans notre réalité terrestre, le silence absolu n’existe pas ; il y a toujours un bruit de fond. Nous devrions cultiver cette réalité à travers nos différentes pratiques. Par exemple, en pleine forêt, si l’on s’immerge dans le silence, ce sont ‘Dix mille bruits’ qui viennent caresser nos oreilles. Le jour où nous serons capables d’entendre ‘un arbre pousser’, nous aurons atteint un sommet de la pleine conscience. De même, dans une méditation profonde, ce sont le murmure de notre respiration et les battements de notre cœur qui résonnent à notre oreille interne. N’est-ce pas là ce que l’on appelle parfois le ‘bruit assourdissant du silence’ ? »

« Le bruit ne se limite pas à la parole ; il englobe également tous les sons provenant de l’extérieur. Nombreuses sont les personnes autour de nous qui redoutent le silence. Elles se trouvent incapables de demeurer, ne serait-ce que trois minutes, assises en silence total. Elles se sentent désemparées, vulnérables, surtout lorsqu’aucune parole n’est échangée lors d’un repas en tête-à-tête. Ce n’est pas qu’elles n’ont rien à dire. En réalité, le silence transcende la parole. Les sages enseignent à ‘parler sans mots’. Plus nous sommes silencieux, plus nous devenons réceptifs à l’essentiel. »

Parler, parler, toujours parler.

Pourtant, le silence a le pouvoir de désamorcer colères et violences, et de nous rendre plus à l’écoute d’autrui. En Médecine Traditionnelle Chinoise (MTC), nous disons que ‘l’Eau des Reins calme le Feu du Cœur’, suggérant que la force de notre énergie vitale peut retenir l’échappement de Qi du Cœur. Lorsque cette énergie s’épuise, nos énergies globales commencent à stagner. Ainsi, l’excès de paroles est souvent un signe de faiblesse interne.

Le bruit extérieur, tout comme d’autres perturbations telles que le vent, le froid ou l’humidité, met à mal notre énergie de défense, de protection. Nous avons perdu l’habitude de nous immerger dans le silence, nous engageant dans une forme d’autodestruction. Entre les casques audio, la musique d’ambiance, le bruit de fond des appareils et les oreillettes utilisées en permanence, que ce soit en marchant ou en faisant du jogging, nous semblons craindre le silence.

Cependant, le silence est un révélateur de notre véritable ‘Moi’. Il dévoile les couches de notre ego et nous permet de nous ‘mettre à l’écoute de notre âme‘.

Et cela pourrait être le plus important. Notre âme a tant à nous dire. Écoutons-la ! Le silence est un révélateur de dons. De nombreux grands artistes, créateurs et inventeurs s’immergent dans le silence, la solitude et la méditation pour accéder à ces intuitions fulgurantes qui viennent enrichir notre ego, notre ‘Moi’.

En Médecine Traditionnelle Chinoise (MTC), nous avons pour adage que ‘la nuit appartient à l’âme’, particulièrement dans sa seconde moitié. C’est dans le calme de ces heures silencieuses que, soudainement, en arrière-plan de notre esprit, émerge la réponse à un problème longtemps médité, ‘l’idée manquante’ ou la solution tant recherchée pour opérer un changement de cap. C’est dans ces moments que notre câble de vie se révèle à nous. »

Ce même état, peut également être retrouvé dans nos pratiques quotidiennes telles que le Qi Gong, la marche méditative, la relaxation et la méditation. Ce n’est pas sans raison que Confucius et Lao Tzu ont fréquemment enseigné l’importance cruciale du silence dans l’atteinte de la sagesse. Ce silence, en effet, favorise la culture de la réflexion intérieure, indispensable à une meilleure compréhension de soi-même et du monde qui nous entoure.

L’adoption de la pratique du silence ouvre véritablement notre cœur et permet à nos énergies de circuler librement. Dans ce cadre, nous ne sommes plus ballottés de droite à gauche, comme des esquifs fragiles sur une mer déchaînée. Nous échappons ainsi aux assauts de ’10 000 informations’ qui menacent constamment de submerger notre esprit.

En effet, l’excès de bruit et d’informations peut être dévastateur. À l’inverse, le silence nous invite à plonger dans les profondeurs où règnent calme et harmonie, éloignant le risque de burnout.

Progressivement, nous entrons dans un état de zénitude et de pleine conscience, qui enrichit notre expérience de vie, nous permettant d’apprécier chaque scène du film de la vie qui se déroule sous nos yeux.

A la lecture de ce texte, « une minute de silence s’impose » ! 

Cultivons alors le plus souvent possible « le silence » pour vivre pleinement notre incarnation.

 

Jean PELISSIER

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