L’esclavage moderne

Si vous avez des notions de médecine traditionnelle chinoise, vous n’êtes pas sans connaître l’importance de ce fameux cycle des « Cinq éléments ». Aucun symptôme, qu’il soit physique, mental ou émotionnel n’est dans « la nature ». Il est obligatoirement relié à un de ces cinq éléments, ce que j’appelle les « logiciels organes ».

Ne perdons pas de vue aussi que ce que nous appelons « énergie », c’est avant tout le déroulement des différentes phases de la pensée, de notre mental, mais aussi de nos émotions qui n’ont ni couleur ni odeur et qui ne sont pas quantifiables.

Or, l’énergie est en amont de la matière. Les déséquilibres du mental seront donc à l’origine de quasi tous nos maux.

Ce qui caractérise notre monde moderne, c’est l’excès de pensée, la « pensée boulimique ».

Ce n’est pas pour rien que l’énergie de la Rate est non seulement la « gare de triage » et de l’assimilation des aliments que nous ingérons. Mais aussi, le lieu énergétique où se situe la réception des informations que nous recevons. Ces informations sont triées : les bonnes sont mémorisées et les « mauvaises », celles qui ne sont pas en adéquation avec notre « câble de vie » sont rejetées.

Et c’est grâce à ces informations que s’élaborent nos pensées qui déboucheront plus tard sur des désirs qui eux-mêmes engendreront des émotions. Et tout cela est dirigé en MTC par l’énergie de la Rate.

Or, la « boulimie informationnelle » à laquelle nous sommes soumis à l’heure actuelle va générer ce que nous pouvons appeler un « excès de pensée », des « pensées compulsives ». Nous devenons « drogués », « addicts » de pensées : c’est ce que j’appelle « l’esclavage moderne ». Nous sommes esclaves de nos pensées.

Il y a deux types de pensées.

Les « bonnes », celles qui nous permettent d’avancer dans la vie, celles qui nous permettent de résoudre des problèmes, de comprendre, d’apprendre, d’être en contact avec la réalité présente.

Mais aussi, celles qui nous permettent de recevoir et de nous concentrer sur nos intuitions. N’oublions pas le concept « d’âme spirituelle » qui selon les taoïstes est de même vibration énergétique que le Foie. Cette âme, c’est celle qui « sait tout », qui a « tout vu et tout vécu » et qui s’est incarnée pour des raisons bien précises.

Ce n’est pas pour rien que dans le cycle des « Cinq éléments », l’énergie du Foie contrôle, nourrit l’énergie de la Rate. Ces intuitions nourrissent nos pensées pour nous donner les bons choix de vie, les bonnes résolutions. À condition évidemment de se mettre « à l’écoute de notre âme ». Nous allons y revenir.

L’autre facette de la dualité, ce sont les pensées « malsaines », les pensées récurrentes, incessantes, à l’instar d’une mouche qui se cognerait dans un bocal sans pouvoir en sortir. Il s’agit de ce que l’on pourrait appeler « un bruit mental » qui ne s’arrête jamais, qui se nourrit de lui-même.

Cet excès de pensée, inconsciemment, comble un vide, le vide qui fait peur. Combien de personnes vivent toujours dans l’hyperactivité pour ne pas sombrer, qui sont incapables de vivre en présentiel avec elle-même.

Un simple test : si vous n’êtes pas capable de vous arrêter de penser ne serait-ce que quelques dizaines de secondes, c’est que les pensées sont devenues votre maître. Vous êtes esclave de vos pensées.

Les pensées, le plus souvent négatives, ont cette capacité d’amplifier les événements du présent. On se crée des scénarios, le plus souvent de peur que l’on va « gonfler » à loisir.

Prenons un exemple : vous avez commis une erreur dans le passé. Les pensées positives vont se servir de cet état de fait qui n’existe plus, pour ne plus les reproduire dans le futur. Et normalement, ces événements devraient retourner aux oubliettes.  Mais si vous y pensez en permanence, si vous faite remonter à la surface cette « boue » émotionnelle, vous épuisez l’énergie de votre Rate, mais aussi de votre Foie. Or, en dehors de la colère, le Foie « gouverne » la culpabilité, émotion destructrice s’il en est. Vous créez ce que l’on pourrait appeler une « agitation de l’âme ». C’est une grande cause de souffrance, de projection et de création de malheurs, de pensées négatives.

On pourrait faire référence ici aux mythes de Prométhée qui a donné le Feu à l’Homme. Le « Feu du Cœur », cette douce chaleur qui circule dans tout notre corps, qui gouverne toutes nos activités mentales. Ce Feu qui permet de vivre, de se réchauffer, d’éclairer, de faire circuler. Mais si « le Feu des pensées » devient excessif,  il embrase tout sur son passage.

Et si nous voulons aller un peu plus loin, puisque nous sommes incarnés dans la dualité, nous sommes formatés au travers de nos pensées pour n’aller que dans deux directions : le passé et le futur.

En ce qui concerne le passé, ce n’est pas pour rien que l’émotion qui appartient à l’énergie de la Rate se trouve être le «souvenir, ressasser le passé ». Ces émotions,  quand elles deviennent excessives, sont la porte ouverte à la dépression.

Le problème, c’est qu’à force de faire référence au passé, nous perdons notre véritable nature. Dans le champ  de ce qu’on pourrait appeler « le Moi du présent » nous ramenons sur l’écran de notre mental un autre Moi, un Moi virtuel qui n’existe plus. Il se produit alors « une dissociation de notre mental » entre le Moi du passé et du présent. C’est une grande cause de souffrance mentale, mais aussi physique.

Et si nos pensées se projettent dans le futur en permanence, on devient alors scénariste d’une situation qui n’existe pas encore. On se crée un film dont on devient acteur. Or, la plupart du temps,  ce sont des pensées de peur qui prédominent : peur de notre situation économique, peur pour les autres, peur de la maladie, peur de la mort, etc… Cet excès de projection mentale nous rend un peu schizophrènes. Il y a le Moi de ce que nous vivons à l’instant présent, et le Moi du futur qui nous fait sortir de notre Soi.

Que ce soient les pensées qui nous ramènent au passé ou au futur, quand elles deviennent permanentes, récurrentes, compulsives, cela finit par créer d’importants déséquilibres énergétiques, cause de quasi toutes les maladies internes que nous connaissons, y compris les cancers.

Une seule porte de sortie : il faut arrêter de vivre dans nos pensées le plus souvent possibles. Et pour cela, un seul moyen que nous enseignent toutes les traditions et en particulier la MTC : « remplacer la pensée par la présence ». C’est une des grandes clés de la santé. Se concentrer sur ce qui est en train d’être.

J’écris, et je me regarde écrire : du coup, ce n’est plus mon ego qui écrit, mais c’est mon âme qui me parle.

Donc, le grand mot est jeté : « vivre dans l’instant présent », être là ici et maintenant, être attentif au moindre détail, être concentré, « centré avec ». Se concentrer sur tout ce qui nous entoure. Ce n’est pas pour rien si l’énergie de la Rate gouverne la concentration.

Quand vous vous concentrez sur votre respiration dans vos pratiques de méditation, de Qi Gong, de marche, vous ne faites qu’un avec le moment présent. Quand vous êtes absorbés, englouti dans ce que vous vivez, vous oubliez le temps. Il n’y a plus de futur, plus de passé, c’est ce que j’appelle le « retour à l’unicité », la dilution de la dualité.

À force de répétition, de travail assidu, petit à petit s’installe une paix profonde. La carapace de l’ego va progressivement se dissoudre. C’est ce que l’on pourrait donc appeler le bonheur, « la bonne heure », au vrai sens du terme, et ce grâce à la dilution du passé et l’éradication des peurs du futur.

Mais c’est aussi le meilleur moyen de se reconnecter au Ciel, en se mettant à l’écoute de cette « parcelle de Dieu » qui nous habite, le Hun, « l’âme spirituelle » des Chinois.

Réapprenons à être le plus souvent possibles « ici et maintenant » pour ne plus devenir esclave d’un monde, d’une société qui fait tout pour nous noyer, nous engloutir dans l’océan de nos pensées.

 

Jean PELISSIER

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